Culture du chanvre dans les zones polluées

par R. Kozlowski, P. Baraniecki, L. Grabowska, J. Mankowski
Institut des Fibres Naturelles de Poznan (Pologne)

Introduction

Parmi les nombreuses cultures alternatives étudiées ces dernières années, nous avons observé un intérêt croissant pour le chanvre. Dans de nombreux pays, des sommes considérables sont consacrées à la recherche plus ou moins directement liée au chanvre comme culture alternative. Certains pays européens ont commencé à recultiver le chanvre, d’autres ont augmenté les surfaces de culture, ce qui démontre qu’il y a aujourd’hui un réel boom du chanvre. De nombreuses propositions de coopération, des demandes pour les graines arrivent du monde entier à l’Institut et confirment cette tendance.

En Pologne, l’Institut des Fibres Naturelles à Poznan – d’abord seul et depuis l’année dernière [1995] en coopération avec 4 autres centres de Recherche et Développement – étudie le chanvre comme culture alternative. D’après nos recherches, le chanvre est une culture qui peut remplacer les plantes alimentaires cultivées sur des sols pollués par l’industrie. La pollution n’est pas seulement un problème spécifique à la Pologne, c’est également un problème rencontré dans d’autres pays, particulièrement dans ceux de l’ancien bloc communiste. Le chanvre est un bon choix. Il est bien adapté à la plupart des climats en Europe et sa grande flexibilité biologique le rend encore plus attirant dans ce contexte. Le chanvre ne nécessite pas l’utilisation intensive de pesticides, il est très résistant aux mauvaises herbes et il n’existe pas de prédateur dangereux qui puisse mettre la culture en danger – tout du moins dans des conditions Polonaises. Le chanvre améliore la structure du sol et rend également possible la fertilisation organique. Enfin, l’agriculteur peut compter sur de bonnes récoltes et un bon rendement en fibres, ce qui lui garantit de bons revenus.

Résultats expérimentaux

Nos recherches ont été réalisées dans une zone tampon de sécurité autour de Copper Smelter à Glogów [en Silésie], à 150 km au sud-ouest de Poznan. Dans une étude préliminaire, cette zone avait été étudiée pour ses conditions climatiques et son sol. Les résultats ont montré que les sols, dans cette zone, sont de bons sols, principalement de classification III – IV et VI. Les conditions climatiques se sont montrées également favorables à la culture du chanvre. Les tests effectués ont montré que les sols dans la zone tampon de sécurité autour de Copper Smelter contiennent des quantités de cuivre qui excédent considérablement les limites autorisées (Tableau 2).

On trouve également du plomb en quantités élevées, bien que toujours dans les limites autorisées. Les recherches ont montré que le chanvre absorbe plus de métal qui se trouve dans le sol que les autres plantes testées (Fig. 1 et 2), ce qui présentait un avantage important pour nos recherches.

Présence de cuivre dans les plantes récoltées
sur champ (mg/kg au m²)
Présence de plomb dans les plantes récoltées
sur champ (mg/kg au m²)

Cette étude préliminaire a été suivie d’un projet scientifique, ayant pour objet la rotation des cultures dans la zone d’influence de l’usine de cuivre. Ce projet permettra la remise en culture des sols à l’avenir, par une méthode économique qui favorisera également une production agricole. L’un des objectifs du projet est d’éliminer les cultures alimentaires qui, malheureusement, poussent toujours dans cette région. Cette action sera associée à l’élimination de l’alimentation humaine des métaux lourds – principalement cuivre, plomb, zinc et cadmium.

Depuis 1991, c’est la variété Bialobrzeskie qui est cultivée. Une autre variété, Beniko, a été semée pour la première fois l’année dernière. Ce sont actuellement les deux seules variétés qui ont été déposées en Pologne, variétés développées par l’Institut des Fibres Naturelles à Poznan.

Quatre ans de recherche ont montré que la présence de métal n’a pas d’effet négatif sur la croissance et le développement des plantes. Cela a été confirmé à la fois par les récoltes provenant des parcelles expérimentales, qui se trouvent à l’intérieur de la zone de sécurité et des expériences réalisées en pots.

En général, le chanvre a produit des récoltes importantes et de bonne qualité. Il y a cependant eu certaines années où les conditions climatiques n’ont pas été favorables. Peu de plantes ont germé et de façon irrégulière, à cause des basses températures et des faibles chutes de pluie au début du cycle de végétation. Il y avait beaucoup de parcelles vides dans le champ. Cependant, à la mi-juin, les plantes ont rattrapé leur taille. Les mois suivants, le chanvre a souffert de la sécheresse importante et des températures élevées, ce qui a limité sa croissance et son développement. Ces conditions de stress ont eu pour conséquence que pendant la floraison les plantes ont commencé à sécher, parfois des parcelles entières de plantes mortes ont été retrouvées. Puis, les plantes ont commencé à pourrir après des chutes de pluie importantes à la fin août, qui ont causé beaucoup de problèmes pendant la récolte.

Malgré ces conditions difficiles pour le développement des plantes, les récoltes avaient toujours un bon rendement. Généralement, les récoltes de paille et particulièrement de graines provenant des plantations commerciales dans la même région étaient plus faibles. Il n’y avait pas de mauvaises herbes dans le champ – même si généralement, avant de semer, il n’était pas dans de bonnes conditions – et on n’a donc pas utilisé de pesticides. Cela confirme d’autre part la grande efficacité du chanvre contre les mauvaises herbes.

D’après la Figure 3, les récoltes de paille et de graines provenant des expériences réalisées en pots, obtenues dans les sols pollués, étaient comparables aux récoltes obtenues sur le sol contrôle de l’une des stations de recherche de l’Institut (“contrôle”). Comme le montrent les chiffres, les récoltes “contrôle” étaient plus faibles que les récoltes provenant des sols pollués. Les récoltes de paille, par exemple, étaient de 48,17 g et d’environ 35 g pour les sols pollués, alors que le sol “contrôle” ne produisait que 32,02 g de paille par pot. Il est évident ici que c’est la qualité du sol qui compte, plus que la présence de métaux. Les rendements de 3 ans de récolte provenant des champs sont même plus importants que ceux des récoltes moyennes obtenues dans des conditions de sol normal (Fig. 3).

Le rendement en graines était généralement plus faible que la moyenne, mais la qualité des graines est comparable à celle des graines récoltées dans des conditions normales.

La production de fibres des plantes récoltées l’année dernière s’est même révélée plus importante que la moyenne (Fig. 4).

Comparaison entre le rendement en paille de Bialobrzeskie (t/ha) provenant du sol pollué avec les cultures contrôle (conditions normales)
Production de fibres (%)

Extraction des métaux

La présence de métaux lourds a été évaluée par les méthodes ICP et ASA (Tableaux 1 et 2).

Tableau 1 : Présence de métaux lourds dans le sol (mg/kg)

Les chiffres du Tableau 1 confirment qu’après de nombreuses années d’activité industrielle des quantités considérables de métaux se sont accumulées dans le sol. On trouve tout d’abord du cuivre, dont la présence dépasse de trois fois les limites autorisées. Le plomb, en deuxième place parmi les métaux testés, a également été trouvé en grande quantité, bien que dans des limites autorisées (à peine). On a trouvé d’autres métaux dans des quantités qui n’excèdent pas les limites autorisées, mais localement la présence de zinc et de cadmium peut atteindre des niveaux dangereux.

Tableau 2 : Présence de cuivre, plomb, zinc et cadmium dans le chanvre (mg/kg)

Le Tableau 2 indique la présence des métaux dans les différentes parties de la plante. Comme on le voit, les plus grandes quantités de métaux se trouvent dans les racines et les graines, les quantités les plus faibles sont dans les tiges. Du point de vue de la purification du sol, le plus intéressant c’est bien sûr les tiges et les graines. Les graines accumulent des quantités considérables de cuivre, 21,3 mg/kg et 64,6 mg de zinc, alors que la présence de plomb et de cadmium est plutôt faible. Les tiges accumulent bien moins de métaux que les graines et les racines. Cependant, il est intéressant de souligner que la biomasse produite dans le cas des tiges peut atteindre 10 tonnes. Par conséquent, dans ce cas, sur une récolte de 1 ha de chanvre, les tiges accumulent presque 100 g de cuivre. Généralement, la présence de métaux dans la plante est liée à la présence de métaux dans le sol et dépend de leur type. Comme mentionné précédemment, l’endroit où se situe l’expérience peut également influencer l’accumulation de métaux.

Conclusion

Les résultats des recherches, menées pendant 4 ans, permettent de déclarer que le chanvre est une plante qui convient pour la culture sur des sols pollués : il peut être utile pour recultiver les sols en cas de pollution aux métaux lourds. Il est important de noter ici que si on ne s’occupe pas de ces zones – comme c’est le cas de celle où l’expérience a été menée – ou si on les transforme en forêts, on laisse des gens sans emploi. La solution proposée par l’Institut des Fibres Naturelles permet d’éviter cette situation. En outre, la culture de plantes non alimentaires (le chanvre ne devrait pas être cultivé seul pendant trop longtemps) comme le chanvre, le lin, les fourrages, les plantes oléagineuses, etc… permet aux agriculteurs d’obtenir de nouvelles sources de revenus et c’est une méthode de remise en culture rentable. En même temps, l’industrie acquiert annuellement des matières premières renouvelables pour différents types de productions. Beaucoup de produits dérivés qui apparaissent pendant la transformation des plantes à fibres peuvent être utilisés pour la production d’énergie, préservant ainsi l’environnement naturel.

Les résultats des recherches permettent de présenter les conclusions suivantes :

1. La présence de métaux lourds dans les sols testés pendant l’expérience dépassait les limites autorisées ou montrait des quantités importantes de métaux. Ce fait justifie la nécessité de la rotation des cultures sur les sols pollués, pour éliminer la présence des métaux de la chaîne alimentaire.

2. La présence de métaux lourds n’a pas d’effet négatif sur la croissance et le développement du chanvre.

3. La quantité et la qualité du rendement ne sont pas différentes des rendements obtenus dans des conditions agricoles normales.

4. Le chanvre et les autres plantes à fibres testées durant l’expérience peuvent extraire les métaux lourds du sol et les accumuler dans leurs différentes parties. On élimine ainsi les métaux accumulés dans le champ, ce qui permet une purification du sol graduelle et économique.

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