L’erba di Carlo Erba

Histoire du chanvre indien en Italie de 1845 à 1948

En 1798, Napoléon commence la campagne d’Égypte (qui devait durer 4 ans), ses troupes suivies de médecins, de naturalistes et d’archéologues. Cette campagne fut caractérisée par plusieurs découvertes scientifiques importantes (notamment le déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens). Parmi ces découvertes, il en fut une qui influença la première partie du 18e siècle tant sur le plan médical et pharmaceutique que littéraire. Ce n’était pas vraiment une découverte, plutôt la redécouverte d’une plante ancienne qui a accompagné l’évolution de l’humanité depuis les temps les plus reculés, que ce soit pour son usage textile, psychotrope ou pharmaceutique.

Les propriétés du chanvre attirent l’attention des médecins français. En 1840, Albert Roche publie une étude sur l’efficacité médicale du cannabis et en 1845 Joseph Moreau de Tours publie « Du Hachisch et de l’aliénation mentale ». On voit également naître à cette époque le Club des Hachischins avec Charles Baudelaire, Théophile Gautier et Alexandre Dumas qui chantent les bienfaits du chanvre indien.

En Italie aussi on s’intéresse au cannabis dans le domaine pharmaceutique et médical et une somme importante d’ouvrages paraît sur ce sujet. Mais c’est seulement aujourd’hui, plus d’un siècle plus tard, que ces recherches italiennes ont été redécouvertes grâce au travail de Giorgio Samorini, Président de la Société Italienne pour l’Étude des États de Conscience, spécialiste de l’histoire des drogues. Il présente le résultat de ces recherches dans « L’erba di Carlo Erba ». Ce livre représente un morceau de l’histoire de la médecine italienne sur les expérimentations et les usages thérapeutiques du cannabis, demeuré caché pendant plus d’un siècle.

C’est à Milan, ville pivot, qu’ont eu lieu la plupart de ces études et les premières auto-expérimentations et tentatives thérapeutiques. Les grands noms du corps médical de l’époque y ont pris part, suite au travail de Carlo Erba, pharmacien à Milan et fondateur de la multinationale pharmaceutique qui porte encore son nom (en italien « erba » signifie herbe). En 1854, il y avait déjà bien 5 pharmacies à Milan qui vendaient des préparations à base de Cannabis indica. Et en 1887, à Naples, le médecin Raffaele Valieri expérimentait sur les patients d’un hôpital ses préparations à base de Cannabis.

Pharmacie Carlo Erba 21, Piazza del Duomo – Milan

Aujourd’hui, toute la littérature relative à ces études est rassemblée dans ce livre de Samorini et publiée pour la première fois depuis qu’une loi de 1923, sur le contrôle des drogues, ait mit fin aux expérimentations avec le cannabis en Italie. La partie intéressante du livre concerne la publication intégrale des auto-expérimentations des médecins qui prenaient eux-mêmes par voie orale les préparations à base de cannabis. Dans les textes transparaît tout l’enthousiasme, l’espoir et aussi la panique et ses effets comiques (comme la peur de s’empoisonner car ils utilisaient des quantités incroyables de haschich) des médecins, qui ensuite faisaient des essais sur leurs patients affectés des maladies les plus disparates, que ce soit physiques ou mentales. Ces expérimentations n’ont pas toujours été couronnées de succès, pourtant le cannabis démontrait des qualités médicales que l’on trouvait déjà dans les herbiers médiévaux.

En annexe, le livre présente quelques recettes thérapeutiques à l’usage de ceux qui veulent essayer la qualité et les bienfaits des expérimentations des médecins italiens.

Ce livre est important car il reconstruit un morceau de l’histoire cachée de la médecine italienne et de l’histoire sociale de l’usage du cannabis, comme on le voit à la lecture des textes des médecins et pharmaciens italiens qui se sont consacrés à l’usage du cannabis. Le problème de savoir qu’ils utilisaient une substance psychotrope, une “drogue”, ne se pose pas. Par l’expérimentation et la recherche, ils cherchaient la possibilité d’appliquer les propriétés de cette plante qui, aujourd’hui au seuil du 3e millénaire, est encore méprisée alors qu’au contraire elle pourrait être d’une grande utilité. Ce n’est pas par hasard si Samorini dédie son livre à la classe médicale italienne et, ajoutons, à tous les médecins afin qu’ils sachent encore utiliser la médecine comme une aide et non comme un moyen de s’enrichir avec la complicité des laboratoires pharmaceutiques, qui produisent continuellement des médicaments inutiles et nocifs pour la santé. Une simple plante pourrait briser le monopole des multinationales de la pharmacie, notre époque a cultivé l’irrationalité et l’intolérance au point que beaucoup de pays “évolués” et “civilisés” ont des lois qui interdisent une plante millénaire ! Ce livre invite à une réflexion à travers la connaissance du cannabis, pour une information et un usage correct des substances psychotropes.

L’erba di Carlo Erba, Giorgio Samorini – Edtions Nautilus. 176 pages, illustré.

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