TRIBUNE LIBRE : Ana Corbac productrice de Chanvre, Le Chanvre du Griffoul dans le Tarn
Les opinions exprimées dans cet article visent à susciter un débat et n’engagent que l’auteur.
La plupart s’imaginent déjà les poches pleines et la belle vie. La réalité c’est que la majorité des producteurs de chanvre ne sont pas fortunés. Le plus difficile dans ce métier n’est pas de cultiver, mais de vendre. Si ça ne se sait pas, c’est que les producteurs ne crient pas sur tous les toits qu’ils n’arrivent pas à vendre pour des raisons simples : peur du jugement (si tu vends pas c’est parce que tes fleurs sont de mauvaise qualité) et peur de décrédibiliser son entreprise (une boîte qui tourne est plus rassurante pour la clientèle qu’une boîte qui galère).
Pourquoi est-ce difficile de vendre sa production ?
Les CBD shops ne font toujours pas l’effort de la fleur française. (Il y a de très rares exceptions).
Ils achètent directement à des grossistes de 0,50 € à 1 € le gramme pour le revendre 6 € voire 8 €. Même si vous vous alignez sur ces prix, ils snoberont vos fleurs parce qu’ils vivent sur le mythe de la fleur suisse qui serait inégalable en termes de qualité. Ils vous diront que leurs clients n’achèteront pas français.
Les grossistes
Les grossistes qui achètent 50 ou 100 kg de production d’un coup ça existe, mais ça commence à 50 € le kg pour monter grand max à 600 € pour de la qualité exceptionnelle. Or, de la qualité exceptionnelle demande beaucoup de travail, et se fait forcément sur de la petite surface (500 plantes par personne max), donc vous récolterez peu, donc ce ne sera pas économiquement intéressant pour vous de vendre vos 50 kg à 500 €/kg au rare grossiste qui sera d’accord pour vous les prendre. Vous ferez un Chiffre d’Affaires de 25 000 €, auquel il faut retirer charges, investissements et impôts. Au final, vous aurez moins qu’un Smic. Ça c’est dans le cas optimiste où vous aurez trouvé un acheteur.
Plusieurs producteurs de 2022 n’ont pas vendu un seul gramme depuis la récolte de cet automne. Deux producteurs de 2021 m’ont annoncé qu’ils cessent leur activité faute de débouchés.
Conseils
Voilà la réalité du métier de producteur de CBD. À vous qui vous lancez en 2023, nous vous conseillons de bien réfléchir à votre circuit de commercialisation. Ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui étaient déjà agriculteurs (moins d’investissements à faire), et qui avaient déjà leur place sur des marchés. En vente directe, la valorisation de la production est 4 à 5 fois plus importante qu’en vente aux revendeurs. Ça demande plus de travail mais c’est plus viable.
Je tenais à vous dire ça parce que ce discours vous ne l’entendrez nulle part. Aucun syndicat ou association de producteurs ne vous le dira puisqu’ils ont besoin d’adhérents pour avoir de la trésorerie.
Faire du blé avec le Chanvre
Se faire du blé sur le dos des producteurs est devenu le fonds de commerce de quelques professionnels du CBD, dont des producteurs, puisqu’il est si difficile d’écouler sa marchandise, certains n’hésitent pas à sur-tarifer des services, semences, formations fantômes à des personnes naïves ou pleines d’espoir.
Conclusion
A l’image de notre société, la filière CBD c’est la loi de la jungle. La bonne nouvelle c’est qu’il reste des gens avec une éthique, un esprit de solidarité et de justice. Et c’est avec ces gens et cet état d’esprit que la situation des producteurs peut être tenable. Serrez-vous les coudes, ne soyez pas naïfs, n’espérez pas devenir riches, n’attendez rien des autres, soyez le plus autonome possible, et alors les choses se passeront bien pour vous.
Ana Corbac
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